Loi 96 : message de la mairesse de Westmount
Le jeudi 13 mai, le gouvernement du Québec a déposé le projet de loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Cette loi propose des modifications à la Charte de la langue française, communément appelée loi 101 et adoptée en 1977. Ce nouveau projet de loi a une portée vaste et profonde, puisqu’il propose des changements à plusieurs textes législatifs, notamment la Constitution canadienne, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et le Code civil du Québec.
Avec la pandémie, ce projet de loi va sans nul doute dominer notre discours public pour le reste de l’année, car il touche presque tous les aspects de notre vie : de l’éducation à la santé et aux services sociaux, en passant par nos tribunaux, nos entreprises et, bien sûr, nos municipalités. Le débat des prochains mois portera sur le Québec que nous voulons construire ensemble, et j’encourage chacun à y participer avec passion et civilité. Faisons de notre mieux pour nous écouter les uns les autres, pour comprendre les craintes et les aspirations de chacun et pour parvenir à des consensus.
Des juristes et des experts, y compris dans notre propre personnel, examinent actuellement les 100 pages et les 200 articles du projet de loi. Je ne suis donc pas en mesure d’aborder aujourd’hui tous les éléments de ce projet de loi, ni de vous fournir des conclusions et des recommandations détaillées. Toutefois, je souhaiterais déjà partager avec vous quelques réflexions initiales, du point de vue du Conseil municipal.
Avant le dépôt du projet de loi, le gouvernement du Québec avait laissé entendre qu’il envisageait de modifier le statut des 90 municipalités désignées bilingues dans la province. Les modifications proposées maintenant sont moins draconiennes que prévu. Le projet de loi propose de retirer le statut bilingue à toute municipalité dont la population ne compte pas au moins 50 pour cent d’anglophones. Je tiens à préciser que, selon ce que j’en comprends, la définition de Québécois anglophone est très étroite. Les villes et les arrondissements qui n’atteignent pas ce seuil de 50 % et qui veulent conserver leur statut bilingue peuvent toutefois adopter une résolution à cet effet.
La bonne nouvelle est que Westmount conservera son statut bilingue. Nous continuerons donc à envoyer des avis d’imposition, des infolettres et d’autres documents officiels dans les deux langues. Nos affichages et nos panneaux dans la Ville pourront également continuer à être bilingues. Par contre, je crois comprendre que toutes les communications avec le gouvernement du Québec devront désormais se faire uniquement en français.
Même si notre Ville ne sera pas au centre du débat sur la langue dans l’enseignement, nous abritons néanmoins des écoles et des cégeps publics et privés. Nous tenons à la pérennité et à la bonne santé de ces institutions. Nous sommes très sensibles aux préoccupations soulevées par les dirigeants du Collège Dawson et d’autres cégeps quant à l’impact sur eux de mesures telles que le plafonnement du nombre total d’étudiants admis dans les cégeps de langue anglaise à 17,5 % de l’effectif total des cégeps de la province. Ce qui correspond au même niveau que l’an dernier. Nous sommes également préoccupés par les répercussions sur les inscriptions dans nos écoles primaires et secondaires si le gouvernement limite à trois ans le nombre d’années pendant lesquelles les enfants de travailleurs temporaires étrangers ou d’étudiants étrangers peuvent fréquenter l’école en anglais.
L’objectif du projet de loi est de faire que le français devienne, autant que possible, la langue la plus utilisée au travail. Les règles de francisation sont étendues non seulement aux entreprises de compétences fédérales, mais aussi aux entreprises de 25 employés ou plus. Et lorsque les employeurs – ou même les tribunaux – voudront faire du bilinguisme un critère d’embauche, ils devront se donner la peine de prouver que l’emploi en question l’exige réellement.
Les PME de Westmount, comme celles d’ailleurs de la province, ont eu du mal à faire face à la pandémie. Au cours des prochains mois, nous nous efforcerons d’aider les commerçants de l’avenue Greene et du Victoria Village à se remettre des effets dévastateurs des 15 derniers mois. C’est dans ce contexte que nous nous interrogeons pertinence de cette proposition du gouvernement qui viendra ajouter de nouveaux fardeaux administratifs aux difficultés auxquels font face nos commerçants, tout en ajoutant de nouvelles couches de bureaucratie gouvernementale.
Comme je l’ai dit au début, ce projet de loi nous amène à réfléchir sur le Québec que nous voulons construire ensemble. Ce que je trouve le plus troublant dans l’approche du gouvernement, c’est son mépris pour les droits de la personne. Le texte du projet de loi 96 indique que les dispositions de la loi s’appliqueront « malgré les articles 1 à 38 de la Charte des droits et libertés de la personne » du Québec.
La Charte des droits et libertés de la personne est depuis longtemps un objet de fierté au Québec. Mon souhait le plus cher est que tous les Québécois réagissent à ce projet de loi 96 en gardant à l’esprit les valeurs de la Charte.
Au cours des semaines à venir, nous continuerons à partager avec vous des informations sur le projet de loi et son impact potentiel. J’invite chacun à prendre le temps d’en comprendre les orientations et les dispositions, et à participer au débat. Toutes nos voix doivent être entendues.
Christina M. Smith
Mairesse de la Ville de Westmount